L'équipe de la rédaction

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Etudiants EMLV MRH promotion 2015

vendredi 14 novembre 2014

Un Audit pas comme les autres



Au cours de mon année de césure, j’ai  vécu trois expériences qui  ont fondamentalement  approfondi ma vision et ma compréhension des Ressources Humaines.
Je choisis ici de vous faire part de celle qui m’a le plus marquée, celle que j’ai vécue à Abidjan (Côte d’Ivoire).

Originellement partie en vacances, je suis tombée sur une offre dans le journal officiel du pays s’adressant à la diaspora Ivoirienne. L’offre portait sur un audit social de L’INJS (Institut National de la Jeunesse et du Sport) dans le cadre de sa restructuration. Le candidat sélectionné serait mandaté par le ministère du sport, de la jeunesse et des loisirs.
Même s’il est vrai que j’ai pu bénéficier du réseau familial, j’ai dû passer trois entretiens d’embauche avant d’être retenue pour cette mission en tant que conseiller technique chargée de ressources Humaines. Et il faut l’avouer, le système du réseau quoique pouvant paraître injuste, est inévitable dans notre monde professionnel où la mode reste au réseautage. Qu’on soit méritant, entreprenant ou héritier[i], c’est un passage obligatoire.


Me voilà en plein audit, dans un univers, une culture que je pensais connaître. Seulement, je suis très vite désenchantée : tout se retrouvait mêlé au politique, mentalité-séquelle de la guerre. Haine, rage, frustration, racisme, xénophobieautant d’amabilités à mon égard. Principalement en raison de la crainte d’un directeur qui pense que vous « la babtou[ii] », « la blanche », venez lui prendre sa place. Une situation que deux facteurs aggravants venaient compliquer, fétichisme et maraboutage.
Lorsque vous arrivez le deuxième jour de votre mission et que vous trouvez un canari[iii] devant votre bureau, comment réagissez-vous ? Malgré, cette situation je n’ai pas reculé car j’avais bataillé pour obtenir cette mission, une mission que je ne méritais sans doute pas au vue du décalage entre mes compétences possédées et les compétences requises mais c’était mon challenge, j’en avais besoin, je voulais le faire et je me devais de le faire avec excellence !
Au cours de cet audit, j’ai pu bénéficier de l’aide précieuse de Mme Brigitte LELLOUCHE qui m’a été de tres bon conseil. Sans elle, je ne sais pas si j’aurai rréussi et je tiens à la remercier encore.

Pour réaliser mon audit et dans le cadre du projet de restructuration de l’INJS, j’ai évalué l’ensemble du personnel administratif afin de mesurer les compétences possédées et celles requises. Lors de ces entretiens d’évaluation, j’ai été surprise de voir les salariés se confier à moi, se libérer de leur rage, de leurs conditions de travail qu’ils définissaient de déplorables, et d’inacceptables…Au lieu de suivre un entretien classique d’évaluation, par empathie j’ai permis à ces personnes, pour la première fois de se faire entendre! D’autant plus que cela m’a permis de mesurer le climat social.
Au cours de ma mission, j’ai aussi actualisé l’organigramme en raison du nouveau décret sur l’organisation, réalisé un sociogramme afin de rendre compte des liens sociaux et des relations de pouvoir et établi une grille d’analyse stratégique afin d’analyser les stratégies de chaque acteur.
Les obstacles se sont avérés être nombreux, notamment le refus du directeur de l’INJS de me fournir  l’ensemble des documents nécessaires à mon audit. Vous savez, en Afrique c’est « le débrouillardisme »[iv]  en action, il y a les règles et il y a leur application sur le terrain !
Mais encore, les conditions de travail, le bruit des bureaux voisins, des fonctionnaires regardant des séries TV ou écoutant de la musique, pendant les heures de bureau, l’inexistence des toilettes, une cantine délabrée, du matériel venant tous droit de la préhistoire ; les avances des salariés masculins qui frôle souvent au harcèlement qui est une habitudes de l’homme Africain que les femmes ont toujours subies mais malgré cela nous n’en sommes pas encore au suicide en entreprise!
Sans doute lié au fait que les Africains savent rire, prendre la vie toujours du bon côté.
J’ai fait le choix de ne pas vous dresser de manière plus détaillé cette mission car ce n’est pas ce qui m’a le plus marqué.

Le meilleur réside dans cette prise de recul, cette maîtrise de soi, cette écoute attentive de l’autre sans imposer mes choix - sans ces éléments, je n’aurais pas tenu une semaine.
Et ici encore je tiens à remercier Mr Philippe Spach qui m’a orienté vers un domaine  m’ayant fait grandir, un domaine m’ayant soutenu tout au long de mon année de césure : l’intelligence émotionnelle. Soyez, en plus de vos compétences techniques, intelligent émotionnellement tel est la grande leçon que j’ai pu retenir de mon expérience.


Yasmine MOURAD

EMLV MRH promo 2015






[i]Référence à la classification de Jean-François Amadieu au sujet du réseau 
[ii] Mot issu du  Nouchi, voulant dire que vous êtes blanc de peau. Le Nouchi est une forme d’Argot présente en Afrique de l’Ouest et sa base est la langue française.
[iii] Récipient en terre cuite pour l’eau potable, notamment utilisé lors des cérémonies vaudou
[iv] Mot issu du Nouchi, signifiant l’acte de savoir se débrouiller

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